Pour la danse aussi, juillet a été chaud.
On se souvient que Madame Viviane Serry avait envoyé une longue lettre de réprimande, une belle leçon de morale, datée du 28 janvier 2018, à l’Association Française des Maîtres de Danse Classique (AFMDC) et à moi-même.
Nous nous serions rendus coupables d’un crime de lèse-Majesté parce que nous avions déploré le fait que des variations imposées pour le Baccalauréat en catégorie « danse classique » ne comportaient aucun pas de danse classique.
Professeurs et élèves seraient-ils restés silencieux si en épreuve langue allemande, on avait proposé aux candidats la traduction d’un texte Russe ?
En deux pages virulentes, signée en tant que « membre du Conseil d’administration de l’Association Conservatoires de France », Madame Serry, que personne ne connaissait ni à l’AFMDC, ni dans la rédaction du journal, déplorait notre prise de position.
Par conscience professionnelle, en bon citoyen, j’ai ingurgité ses borborygmes ; après une bonne indigestion, le dossier était clos.
Jusqu’à ce que « La Lettre du Musicien » nous apprenne le 11 juillet les problèmes du CNSM de Lyon concernant la nomination d’un futur directeur :
Cet article a immédiatement provoqué la pétition suivante, signée par une poignée de noms. À part deux anciens délégués à la danse des années 80-90, je ne connais personne.
« Nous, danseuses.rs, chorégraphes, artistes et directrices.eurs de structures culturelles souhaitons répondre et réagir à l’article paru dans la lettre des musiciens du 11/ 07 /2018
Cet article intervient dans le cadre de la nomination du prochain directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Il donne la parole à plusieurs personnes (dont Gilbert Amy, directeur du CNSMDL de 1984 à 2000) qui font part « de leur inquiétude extrême suite au projet de nomination du futur directeur (directrice) ». Ils expliquent que « cet établissement de par sa relative jeunesse et son originalité doit être ardemment défendu, aussi bien musicalement et politiquement et ne peut être qu’entre les mains d’une personnalité incontestable, reconnue et estimée par le milieu professionnel. Il me semble que ces qualités éminentes ne sont pas réunies à l’heure actuelle ». Gilbert Amy préconise de « surseoir à la nomination pour éviter un choix imparfait et regrettable ».
Le CNSMD de Lyon est un établissement d’enseignement supérieur réputé autant pour son département danse que pour son département musique. Il prône un équilibre de vision et d’excellence dans les deux disciplines. La candidature qui a été retenue par le jury est une personnalité issue du monde de la danse reconnue pour ses qualités professionnelles indéniables et son expérience pédagogique. Son bilan à la tête d’un conservatoire de région est excellent et l’établissement qu’elle dirige actuellement jouit d’une vraie reconnaissance de la part de la profession. Elle défend un double projet, ambitieux pour la danse et la musique ainsi que toutes les autres activités du Conservatoire.
Nous souhaitons condamner fermement les propos tenus dans cette lettre qui place la danse dans une position d’infériorité face à la musique. Nous ne pouvons accepter que la danse soit encore une fois jugée incapable d’accéder à ce niveau de responsabilité et qu’elle fasse les frais de vieilles querelles de disciplines qui par ailleurs dialoguent entre elles. Dans une ville comme Lyon, qui dans son histoire a donné une place éminente à la danse, ce type de propos est un acte de mépris envers une discipline phare, responsable et en capacité de direction. Dans quelle époque sommes-nous pour ne pas prendre en compte le formidable élan que la danse a su créer ?
La question que nous posons est celle-ci : après plus de 40 ans d’une direction venant du champ musical, le moment n’est-il pas venu de nommer une personnalité venant de la danse au CNSMDL ? Nommer une femme qualifiée, légitime, issue du monde chorégraphique à la tête de cet établissement permettrait d’affirmer que la danse est une discipline à égalité avec les autres arts et la musique… Est-ce trop tard Madame la ministre ?
Signataires :
Mathilde Monnier, directrice générale du Centre national de la danse
Dominique Hervieu, directrice de la Maison de la Danse et de la Biennale de la Danse de Lyon
Brigitte Lefèvre, directrice du festival de Danse de Cannes et présidente de l’Orchestre de chambre de Paris
Didier Deschamps, directeur de Chaillot-Théâtre National de la Danse
Claire Verlet
Pascale Henrot, directrice de l’ONDA
Alban Richard, président de l’ACCN, chorégraphe, directeur du centre chorégraphique national de Caen en Normandie
Joëlle Smajda, présidente de l’ACDCN, directrice de Pôle Sud- CDCN Strasbourg»
Le 13 juillet, «La Lettre du musicien» apporte des précisions.
https://www.lalettredumusicien.fr/s/articles/5788_0_recrutement-au-cnsmd-de-lyon-des-reactions
Fin de la comédie, le 17 juillet 2018 :
https://www.lalettredumusicien.fr/s/articles/5789_0_cnsmd-de-lyon-recrutement-du-directeur-infructueux
Pour faire suite à toutes ces nouvelles, on peut faire les commentaires suivants.
Premièrement
Si le fait est effectivement arrivé, est-il régulier, voire légal, que Madame Catherine Tsekenis, Présidente du Conseil d’administration se soit permis de faire seule une première sélection des dossiers de candidatures afin d’attirer l’attention pour ainsi dire uniquement sur les candidats «recommandés» ? Ces candidats ont-ils fait l’objet d’une recommandation spécifique ? Le cas échéant, par qui ? On ne le saura jamais.
La chose semble hélas une habitude en France. Je me souviens qu’en 1999, lors de l’appel à candidature pour la direction du Ballet National de Nancy, au moins quatre dossiers solides et importants avaient été retirés par le ministère de la Culture, et non étudiés par le Conseil d’Administration, ceux de Messieurs Jean Yves Lormeau, Etoile de l’Opéra de Paris, Nicolas Muzin, Jean Paul Gravier et Stéphane Fournial. Je ne sais plus qui finalement a été nommé.
Dans les pays démocratiques européens, lorsqu’un nouveau directeur est proposé à la direction d’un opéra, d’une compagnie de danse ou d’un conservatoire, il est d’usage de consulter les salariés de ces établissements culturels.
Deuxièmement
Qui peut diriger un Conservatoire National Supérieur ?
Que ce soit un homme, une femme, un transgenre, un homme travesti en femme, une femme travestie en homme, une personne qui est persuadée de n’être ni un homme ni une femme, un musicien, une danseuse, un noir, un blanc, un jaune un ou une rouge (comme Rosella Hightower) n’a absolument aucune importance.
Le problème est ailleurs. Au moment de l’établissement de la loi sur l’enseignement de la Danse, qui a fait tant de remous, il avait été convenu d’une manière non officielle qu’un Conservatoire National de Région, aujourd’hui Conservatoire à Rayonnement Régional, pour la danse, devaient mettre par son système pédagogique, autant d’attention sinon plus, à la formation du public de demain qu’à la formation de danseurs qui pourraient éventuellement un jour devenirs professionnels. Cette idée se défend d’autant plus que les débouchés se raréfient chaque année.
Un Conservatoire National Supérieur lui, a des responsabilités tout autres, beaucoup plus importantes : non seulement il est là uniquement pour former des musiciens et danseurs professionnels, mais il doit en plus tout faire pour arriver à trouver des débouchés aux élèves.
Le travail du directeur n’a donc rien à voir avec celui du directeur d’un Conservatoire National de Région.
Les statistiques, toujours soigneusement cachées, et qu’il faut arriver à établir soi-même, le démontrent. Si un directeur de CNSM est déficient, les élèves sont moins bons et trouvent très difficilement, peut-être même jamais un emploi.
C’est quelque chose de trop sérieux, et le profil idéal est très difficile à trouver sur le marché, un peu comme celui du futur directeur d’Air France.
On ne peut donc pas faire joujou avec la nomination d’un directeur de CNSM, en se contentant de nommer la copine d’une coquine pour faire plaisir à une rouquine.
Ceci est aussi valable aussi pour une compagnie de danse. On voit trop régulièrement des gens nommés sans aucune compétence avérée, puis faire chuter au plus bas le niveau artistique d’une compagnie. Personne ne connaît jamais les motivations de ces nominations.
À partir du moment où dans un CNSM, les danseurs représentent un petit pourcentage des élèves, (10 % ?) heureusement, puisqu’il y a si peu de débouchés, il semble téméraire, peut-être même incorrect d’envoyer une pétition à un ministre, pour se plaindre, comme l’enfant d’une école maternelle, de la réaction de professeurs musiciens qui s’inquiètent de l’éventuelle nomination d’une danseuse inconnue dans le petit monde de la danse professionnelle, sans préjuger de ses compétences administratives.
Il ne faut pas renouveler des erreurs récentes. Il a été constaté cet hiver, que la nomination du simple directeur de la danse au CNSM de Paris, par son conseil d’administration, était le plus mauvais des choix, qui s’est terminé en tragédie d’Eschyle.
Troisièmement
Mais qui est exactement Madame Viviane Serry ?
Ce n’est pas moi qui peut répondre à cette question, puisque je n’en avais jamais entendu parler avant réception de sa lettre, fin janvier.
Alors, j’ai questionné des abonnés Nantais.
Pour les uns, c’est une femme charmante, souriante, toujours optimiste. Pour les autres, il faut s’en méfier car elle aimerait trop jouer les rôles d’une Shepherd (cette chienne de berger des Pyrénées qui remet tout le monde dans le rang sans hésiter à mordiller le mollet). Mais elle ne le ferait sans aucune méchanceté, mais dans le seul but, en servante fidèle, de plaire à sa patronne, la Caligaï.
Après tant de bons et loyaux services, il fallait bien la récompenser, m’explique-t-on.
C’est très bien. Mais Madame Viviane Serry n’avait-elle pas déjà été récompensée, on peut imaginer pour « services rendus aux amis », en étant nommée par arrêté ministériel du 2 septembre 2015 au Conseil d’administration… du CNSMD de Lyon.
C’est là que le bât blesse.
Madame Viviane Serry n’avait absolument pas le droit de présenter sa candidature au CNSMD de Lyon, puisqu’elle est membre de ce même conseil.
A-t-elle été auditionnée fin juin parmi les huit candidats ? A-t-elle voté pour elle-même ?
Aucune protestation à l’intérieur du Conseil d’administration ? C’est grave, c’est gravissime.
Quelle pantalonnade ! Même San Antonio n’aurait jamais cru qu’elle puisse être possible.
Comme d’habitude, le conseil d’administration cautionnait cette pitrerie les yeux bandés, en chantant la vieille ritournelle «je ne sais rien, je ne vois rien, je ne suis responsable de rien».
Et pourtant…
Même si Madame Serry avait démissionné de ce conseil, ce qu’elle n’a pas fait, il eût fallu qu’elle attende trois ans pour se présenter. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est tout simplement l’article L. 432-13 du code pénal. « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 Euros d’amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.»
Quant à ses collègues du Conseil d’Administration, pour ceux qui ont le statut de fonctionnaire, ils ont commis un délit pénal.
Rappelons que les fonctionnaires et les élus, qui se servent de leurs prérogatives publiques pour prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi constituent le délit d’abus d’autorité prévu et sanctionné par les articles 432-1 (4) et 432-2 (5) du code pénal.
L’article 432-1 du code pénal énonce que : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende ». L’article 432-2 du code pénal précise que : « L’infraction prévue à l’article 432-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende si elle a été suivie d’effet. »
Quatrièmement
On peut éventuellement se poser la question suivante : est-ce que la politique culturelle du Conservatoire de Nantes, pour la musique et la danse, a contribué au progrès social, à l’élévation du niveau culturel de la population, à l’adoucissement des mœurs ? Seuls les Nantais peuvent répondre.
On peut aussi se demander qui a donné à Madame Serry un tel pouvoir, un tel sentiment d’impunité, l’autorisation de rejoindre le petit clan des «intouchables de la danse», la certitude que personne ne mettra en marche contre elle le fameux article 40 du code de procédure pénal dont on parle tant ces derniers jours. « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
Mystères, mystères, mystères.
Il est évident que Madame Serry savait très bien qu’elle commettait le grave délit de prise illégale d’intérêt en présentant sa candidature pour la direction du CNSMD de Lyon, d’autant plus que je lui avais écrit, par Lettre Ouverte dans le numéro d’Avril de Danser, que le 31 janvier 2018, deux députés, Fabien Matras et Olivier Marleix, remettaient leur rapport sur « la déontologie des fonctionnaires et l’encadrement des conflits d’intérêts ». Ceci pour bien lui faire comprendre que le temps des abonnements aux prises illégales d’intérêt était terminé. Le retour de Madame Serry au Conservatoire de Nantes en septembre ne manquera pas de faire réagir. Après tout, Madame Serry à l’âge de prendre une retraite bien méritée.
En conclusion, lorsque Madame le ministre a pris la décision de déclarer la procédure de recrutement infructueuse et de lancer un nouvel appel à candidature, elle n’a fait que son devoir, faire respecter la loi. Elle a tenu compte aussi du fait que les professeurs du CNSMD n’approuvaient pas le choix des trois candidats retenus, et surtout, que la nomination de Madame Viviane Serry était impossible, puisque Madame le Ministre n’avait pas le droit de faire échec à la loi en se rendant complice d’une prise illégale d’intérêt.
Je sais bien que certains y étaient abonnés dans des temps pas si anciens, mais aujourd’hui, le Gouvernement fait tout son possible pour rétablir une République transparente, une République honnête, une République en marche. Michel Odin
1/ La commission a diffusé les candidatures a certaines personnes, rompant la confidentialité. Elle a sélectionné 3 candidats sans ordre de priorité.
Mme La Ministre a changé cette liste et c’est une liste différente qui a été présentée au CA. « Sans ordre de préférence ».
Les membres du CA ont refusé de cautionner cette méthode et aucune candidature n’a été retenue.
2/ Mme la Ministre a informé qu’elle invalidait l’entière procédure menée par Mme la Présidente du CA. Les candidats ont reçu un courrier les informant de cela.
3/ L’annulation crée une situation de vacances à la direction qu’il convient de résoudre au plus tôt possible.
Nous espérons donc qu’une nouvelle procédure pourra être rapidement lancée.
4/ Pour celle-ci, nous souhaitons, pour la constitution du comité de recrutement, que les recommandations du rapport de l’IGAC (2015) puissent être prises en compte, notamment ce qui touche à la plus grande indépendance possible des membres du comité, et que des experts internationaux puissent y participer.
5/ Par ailleurs, l’article 13 des statuts des CNSMD indiquent que le CA doit donner un avis sur cette nomination. Or, lors du CA du 5 juillet, seuls les représentants des personnels avaient été consultés, et non les autres membres présents ou représentés. Cette erreur de procédure ne doit pas être reconduite.
Pour permettre à l’ensemble des membres du CA de se prononcer, conformément aux status, il conviendra qu’ils puissent avoir communication au préalable des éléments des dossiers des candidats que le comité retiendra.
C’est ce défaut de communication d’éléments d’appréciation qui avaient conduits les représentants à refuser de se prononcer sur les candidatures qui leur avaient été soumises.
5/ Pour sortir de la crise que provoque cette annulation de la procédure, et pour que la nouvelle procédure puisse aboutir sereinement et positivement, nous sommes très attachés à ce que les indispensables règles déontologiques propres à toute procédure de ce type soient scrupuleusement respectées et que soit réellement pris en compte notre capacité à nous prononcer sur les candidatures qui nous seront soumises.
Merci d’appeler l’établissement CNSMD et pas CNSM.
Mathis NOUR, elu au CNESERAC
Cher Monsieur, merci infiniment pour l’intérêt que vous portez à la revue et vous avez raison de nous faire cette remarque très judicieuse. Nous avons fait les modifications.
Permettez-ùoi de vous poser une question, je ne sais pas ce qu’est le CNESERAC ?
Avec mes remerciements renouvelés et mes amicales salutations, Michel Odin