Oxana Kardash
Au moment où l’on s’aperçoit qu’il est grand temps de siffler la fin de la récréation à l’Opéra, où nos amis Anglais proposent d’envoyer Irek Mukhamedov comme maître de ballet en vue de la création de Mayerling, Laurent Hilaire était de retour le 3 juin à Paris pour une Master Classe. Merci une nouvelle fois à Lisa Martino pour ce miraculeux « Paris de la Danse » qu’elle organise avec tant d’enthousiasme et de compétence.
Une fois de plus, Laurent Hilaire nous apporte la preuve que l’on ne peut bien transmettre que ce que l’on connaît bien. Tout le monde le sait, mais si peu le mettent en pratique !
Que de conseils pertinents Laurent Hilaire a donné aux deux très jeunes Étoiles du Stanislawski de Moscou, Oxana Kardash et Ivan Mikhalev pendant cette répétition du pas de deux du cygne blanc de Bourmeister. Dès le piqué arabesque du début, Laurent prévient : « On voit trop le côté attendu. Il faut que ça nous surprenne ». Il propose « logique et cohésion », tout en étant « plus animal, plus instinctif ». Lorsque les danseurs sont face à face, il précise : « Il faut bien faire passer l’effet de surprise, c’est très important ; il faut que l’on sente cette panique qui correspond à la musique… La force de la musique donne l’intensité du mouvement ».
Pour les moments d’adage, il précise que « le haut du corps doit être décalé dans l’arabesque ». Surtout, il faut savoir obtenir « la plénitude de l’arabesque. »
Puis, ce que l’on oublie trop souvent : « La technique est au service de l’émotion. » Merci mille fois de ne pas faire monter la jambe trop haut ! Côté Russie, j’ai toujours connu deux clans, ceux qui aiment le Lac de Bourmeister, ceux qui ne l’aiment pas. Il me faut avouer que je n’apprécie pas tellement chez Bourmeister, ce bouffon qui n’a pas lieu d’être. Laurent Hilaire reconnaît « Ce ballet existe depuis 1953, il a donc été bien transmis ! » À l’ouest de l’Europe, les versions célèbres ne manquent pas : John Cranko, John Neumeier, Rudi van Dantzig, Uwe Scholz, Heinz Spoerli, Peter Wright, Graeme Murphy, Marcia Haydée, Liam Scarlett. Avec une belle humilité, Laurent Hilaire précise que ce n’est pas lui le pédagogue de ces Étoiles.
À Moscou, chaque danseur a « son » professeur, qui assure la formation sur une longue période. Avec une parfaite maîtrise, Laurent Hilaire affinait chaque détail. Seul triste échec de cette Master Classe, le théâtre avait généreusement envoyé des invitations pour les jeunes danseurs de toutes les écoles de danse de Paris et alentours ; une toute petite dizaine est venue. Ça ne les intéressait pas. À la sortie, un célèbre professeur de danse m’expliquait cette indifférence : « Ils regardent sans voir, ils écoutent sans entendre ». Puissent-ils changer au plus vite de méthode de travail, la concurrence est si rude ! Michel Odin